jeudi 24 mars 2011

Journal d'Hirondelle, Amélie Nothomb.

   "On se réveille dans l'obscurité sans plus rien savoir. Où est-on, que se passe-t-il ? L'espace d'un instant, on a tout oublié. On ignore si l'on est enfant ou adulte, homme ou femme, coupable ou innocent. Ces ténèbres sont-elles de la nuit ou d'un cachot ?
   On sait seulement ceci, avec d'autant plus d'acuité que c'est le seul bagage : on est vivant. On ne l'a jamais tant été : on n'est que vivant. En quoi consiste la vie en cette fraction de seconde où l'on a le rare privilège de ne pas avoir d'identité?
   En ceci : on a peur.
   Or, il n'est pas de liberté plus grande que cette courte amnésie de l'éveil. On est un bébé qui connaît le langage. On peut mettre un mot sur la découverte innommée de notre naissance : on est propulsé dans la terreur du vivant.
   Durant ce laps de pure angoisse, on ne se rappelle même pas qu'au sortir du sommeil peuvent se produite de tels phénomènes. On se lève, on cherche la porte, on est perdu comme à l'hôtel.
   Et puis les souvenirs réintègrent le corps en un éclair et lui rendent ce qui lui tient lieu d'âme. On est rassuré et déçu : on est dont cela, on n'est donc que cela.
   Aussitôt se retrouve la géographie de sa prison. Ma chambre débouche sur le lavabo où je m'inonde d'eau glacée. Que tente-t-on de récurer sur son visage, avec cette énergie et ce froid ?
   Ensuite se déclenche le circuit. Chacun a le sien, café-cigarette, thé-toast ou chien-laisse, on a réglé son parcours de manière à avoir le moins peur possible.
   En vérité, on passe son temps à lutter contre la terreur du vivant. On s'invente des définitions pour y échapper : je m'appelle machin, je bosse chez chose, mon métier consiste à faire ci et ça.
   Sous-jacente, l'angoisse poursuit son travail de sape. On ne peut complètement bâillonner son discours. Tu crois que tu t'appelles machin, que ton métier consiste à faire ci et ça mais, au réveil, rien de cela n'existait. C'est peut-être que cela n'existe pas."


C'est ainsi que commence le Journal d'Hirondelle, signé Amélie Nothomb. Toujours fidèle à son style si particulier, nous suivons le quotidien d'Urbain, qui a un métier des moins...originaux. Handicapé sensoriel, il réapprend les sens.


Je ne peux en dire plus sans vous dévoiler le croquant de l'histoire. Je vous laisse découvrir en dévorant, littéralement, l'œuvre. Tout comme moi je l'ai fait.

1 commentaire:

  1. Je n'arrive pas à accrocher à Nathalie Nothomb. Je ne dis pas qu'elle écrit mal, au contraire, mais je n'accroche pas. En revanche c'est très loin de m'étonner que toi tu adores lol. Elle a un style bien accrocheur pour ta personnalité, elle a vécu au Japon, elle est un peu chtarbée (dans le bon sens)...

    Gros bisous ! I miss you !

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